L'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée & Corse, établissement public de l’Etat, incite et aide, à l’échelle de ses bassins versants, à une utilisation rationnelle des ressources en eau, à la lutte contre leur pollution et à la protection des milieux aquatiques.

lundi 26 mars 2012

Alternative

FAME
vendredi 16 mars

Parce qu'il est par nature lié aux entreprises privées, qui apportent avec elles une vision marchande de l'eau, une alternative au Forum Mondial de l'Eau apparaît comme essentielle. C'est pourquoi, à l'instar des précédents forums, s'est déroulé cette année à Marseille, en marge du FME, le Forum Alternatif Mondial de l'Eau (FAME).

J'attendais beaucoup de ce forum alternatif. J'attendais de sortir des discours aux rondeurs politiques qui avaient martelé nombre de conférences que j'avais pu suivre lors du forum officiel. J'attendais un autre regard, une autre organisation, une opposition claire mais justifiée.

Niveau ambiance, le charme était présent. Le bâtiment du FAME, véritable lieu de spectacle, « les Docks des Sud de Marseille», fourmillait de personnes et de couleurs. Finis l'aseptisation lisse et les costumes cravates du FME, et place aux odeurs des plats du midi en train de cuire. Un côté artisanal qui tranche et qui change beaucoup de chose. Les discussions, organisées autour d'un face-à-face de personnes ayant des avis divergents, apportaient de fait de véritables débats. La salle exprimait avec force ses sentiments, ses visions, loin de la retenue du forum officiel. Mais ce qui, sur le papier, faisait le charme de l'organisation des "controverses" du FAME par exemple, avait aussi ses limites. En effet, un débat devant opposer deux personnes aux avis contraires perd du sens quand l'un des deux participants est absent. Et il est difficile de suivre les discussions quand l'ordre initialement prévu des sujets n'est pas respecté...

La force alternative que j'attendais, apportant une autre vision, m'a fait un peu défaut. Le nombre d'organismes présents était au final relativement faible. Et surtout, et c'est ce qui m'a le plus choqué, l'ambiance générale était très franco-française ! Non seulement l'ensemble des stands m'a semblé tenu par des français, mais les débats étaient parfois uniquement tournés vers la situation de la France, et la question de la loi Oudin par exemple. Le caractère universel que visait ce forum alternatif en pâtissait donc un peu...

Axel, École des Ingénieurs de la Ville de Paris

Une approche concrète du dialogue citoyen dont les impacts restent à approfondir

Espace France - Le dialogue citoyen : du local à l’international
vendredi 16 mars

Sur l’Espace France, dans la session intitulée « Dialogue citoyen : du local à l’international », les intervenants détaillèrent ce que signifiait la participation citoyenne dans les projets d’eau, grâce à la présentation de trois expériences :
  • La session s’ouvrit sur le cas de l’élaboration du Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) de l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS) regroupant les quatre pays d’Afrique de l’ouest (la Guinée, la Mauritanie, le Niger et le Sénégal) sur le territoire desquels se déploie le bassin du fleuve Sénégal. Ce schéma directeur intègre une participation locale. Le changement d’échelle entre cette participation locale et l’envergure régionale du projet à l’architecture institutionnelle forte constitue l’aspect le plus innovant du projet.
  • La concertation entre élus, usagers (industriels, agriculteurs, consommateurs), ONG et communauté scientifique dans le cadre d’un projet visant à sauver une nappe phréatique menacée de salinisation dans le bassin Adour Garonne fut ensuite très rapidement présentée. 
  • Enfin, un film sur trois projets de plus ou moins grande ampleur visant à sensibiliser la population (et notamment les enfants) à la valeur de l’eau, fut diffusé.
Les intervenants partagèrent avec le public quelques unes des méthodes qu’ils utilisent. Nombreuses sont celles qui s’appuient sur des activités artistiques (le dessin et la peinture, la musique, le théâtre, la danse), dans l’idée qu’il faut toucher l’émotionnel pour décomplexer les citoyens et valoriser leur savoir, pour qu’ils s’approprient véritablement les enjeux liés à l’eau. L’interaction est essentielle, il ne s’agit pas seulement d’enseigner mais de construire ensemble le savoir sur la situation locale. L’important est d’être proche de la population sur un temps suffisamment long. Ainsi, dans le projet de l’OMVS qui a duré trois ans, les animateurs sont des locaux qui peuvent communiquer avec les populations dans leur propre langue.

Le coût de campagnes visant au dialogue citoyen a été jugé comme un bon investissement, sans toutefois que les impacts et la prise en compte réelle de la participation citoyenne aient été présentés dans le détail. Ils auraient mérité d’être davantage développés. Par exemple, dans le cas de l’OMVS, les informations collectées lors des sessions de participation citoyenne remontaient vers les différents organes de décision, par l’intermédiaire des animateurs, mais on ne sait pas exactement dans quelle mesure elles ont été prises en compte dans le SDAGE. Dans le cas de la Gironde, la concertation semble avoir servi des objectifs prédéfinis - faire comprendre aux usagers l’importance du projet visant à protéger la nappe de la salinisation et ainsi leur faire admettre la nécessité de nouvelles taxes - plutôt que d’élaborer un véritable plan en commun. Ainsi, si on ne peut que louer de telles initiatives, la dynamique de « bottom-up » ne se met pas pour autant en place, dans la mesure où le dialogue citoyen reste initié par des autorités, qu’elles soient locales, nationales ou régionales.

Eudora, Master 2 Affaires internationales, Sciences Po Paris
Maguelone, Master 2 Affaires internationales, Sciences Po Paris

Le FME et le FAME, deux instances concurrentes aux objectifs affichés communs


FAME et FME
jeudi 15 mars

A quelques stations de métro de la manifestation « officielle » du Forum mondial de l’eau (FME), se tient le Forum alternatif mondial de l’eau (FAME) dans les Docks des Sud, ancien entrepôt portuaire reconverti en espace de manifestations culturelles. Dans une ambiance militante, plus festive et conviviale que le forum officiel, mais tout aussi professionnelle et internationale, les sessions sur le droit à l’eau et les inégalités d’accès à l’eau et à l’assainissement, les services publics et la tarification de l’eau se succèdent.

Nathalia, une étudiante brésilienne à Sciences-Po Paris, travaillant sur le FAME pour la Confédération paysanne et militante de la Marche mondiale des femmes, explique comment se place le FAME par rapport au FME : « Ceux du forum alternatif ne reconnaissent pas le forum officiel car il n’est pas un espace légitime de discussion. Les solutions qui sont prônées là-bas sont surtout bénéfiques aux entreprises privées, pas aux populations. C’est pour cette raison qu’on le nomme le forum marchand. Ici, on entend beaucoup de témoignages faisant part de l’exclusion des populations, notamment par les entreprises privées, par la privatisation. Ici, les gens partagent leurs alternatives et leur combat, ils veulent sortir du système capitaliste et donc des solutions qui en sont issues car, dans ce système, seuls ceux qui produisent sont intéressants et peuvent être entendus. Ils remettent en cause cette logique qui produit de l’exclusion. »

Le FME fait partie de la génération des réunions internationales hors cadres institutionnels : des instances onusiennes sont présentes, ainsi que de nombreux gouvernements et des autorités territoriales, des entreprises, et quelques trop rares organisations non gouvernementales. Il est ouvert mais les prix d’entrée sont prohibitifs pour le grand public (700 euros le pass de 6 jours pour les ressortissants des pays OCDE et développés selon le classement onusien, et 350 euros pour les participants d’autres pays). Seuls les étudiants bénéficient d’un tarif d’accès préférentiel (30 euros pour les 6 jours). Le FAME a été créé pour faire contrepoids au forum officiel, dans la même logique que les autres contre-fora qui « accompagnent » souvent les grandes rencontres officielles. L’entrée y est gratuite.

Bien que des discussions entre les deux fora existent, avec plus ou moins de succès (cf. billet ci-dessous), que certaines personnalités comme Catarina de Albuquerque, rapporteuse spéciale des Nations-Unies pour le droit à l’eau et à l’assainissement ou des acteurs comme Coalition eau, groupe d’ONG, soient présents aux deux manifestations, que les constats et les objectifs puissent se rejoindre, que la volonté des participants soit que l’eau devienne une priorité dans les agendas politiques, la séparation est franche quant aux moyens préconisés. Il est regrettable que le dialogue ne soit pas plus ouvert et fructueux.

A titre d’exemple de sessions du FAME, nous avons suivi la session « Eau et femmes : l’eau, un frein à l'émancipation ? ». Celle-ci était composée de deux séries d’interventions devant un public de femmes en grande partie, comme dans la plupart des discussions où le genre est mis en avant. D’abord, quatre présentations faites par des associations de femmes africaines démontraient les conséquences négatives de la corvée d’eau en termes de développement et d’inégalité hommes-femmes. Elles attendaient du forum alternatif qu’il incite les dirigeants politiques à se préoccuper de cette question. L’intervention suivante portait sur la conséquence de la politique israélienne de colonisation sur l’accès à l’eau des Palestiniens, engendrant une injustice inadmissible. La solution préconisée ici est politique pour empêcher des pratiques de discrimination des populations palestiniennes, qui ne peuvent que provoquer plus de haine. Le dernier exemple faisait état de la manière dont des femmes brésiliennes du Nordeste, fortement unies, avaient réussi à impulser un changement à la fois en termes d’accès à l’eau et d’amélioration de l’égalité homme-femme dans les prises de décisions, du foyer à la communauté. La méthode d’action était originale : dans un processus de formation se répandant de groupe de femmes à groupe de femmes, les femmes apprenaient elles-mêmes à construire des citernes en béton permettant de stocker l’eau sans qu’elle s’évapore. La force de cette initiative montrait que l’accès à l’eau ne peut dans certains cas s’acquérir qu’au terme d’un combat que chaque communauté doit s’approprier.

Eudora, Master 2 Affaires internationales, Sciences Po Paris
Maguelone, Master 2 Affaires internationales, Sciences Po Paris

Coca-Cola Company, responsable du droit à l’eau ?

PNUD - Accès à l'eau et à l'assainissement : les gouvernements sont-ils les seuls responsables ?
Mercredi 14 mars

Nous avons été surpris par le contenu de cette session, qui portait pourtant un intitulé limpide : « Accès à l’eau et à l’assainissement : les gouvernements sont-ils seuls responsables ? ». D'abord, la session a démarré, de manière un peu abrupte, par la présentation du partenariat « Every Drop Matters » (chaque goutte compte) entre le Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD) et la société multinationale Coca-Cola. Ensuite, ni gouvernement ni collectivité locale n'étaient présents à la tribune... Cette session semblait mettre en avant le rôle providentiel du secteur privé, et plus particulièrement celui de la firme Coca Cola. Pour répondre à l’objectif fixé de rendre aux communautés locales une quantité d’eau propre, égale à celle utilisée pour son activité, la multinationale a signé un partenariat avec le PNUD consistant à financer des projets améliorant l’accès à l’eau et à l’assainissement dans une vingtaine de pays. Il s’agissait de présenter une « situation gagnant-gagnant » (bien que cette expression, pourtant très répandue, n’ait été utilisée).

Les différents intervenants n’ont pas répondu à la question posée par l’intitulé de la rencontre, mais ont plutôt présenté un type de partenariat public-privé où le secteur public était représenté par une organisation internationale. Autocongratulation et « success stories » étaient au rendez-vous et n’ont pas laissé de place à la critique. Heureusement, nous avons pu approfondir nos questionnements grâce à un entretien avec Jihan Seoud, intervenante travaillant pour le PNUD au Liban.

Quel type de responsabilité devrait avoir le secteur privé ? En effet, si la responsabilité du gouvernement d’assurer un accès à l’eau et à l’assainissement pour tous est claire, celle des entreprises l’est moins. La responsabilité sociale des entreprises (RSE) a été éludée en préambule de la session, l’argument étant que le programme de Coca-Cola n’avait pas été mis en place dans un souci de RSE mais parce que l’entreprise comprenait combien elle dépendait de la ressource en eau pour ses boissons et qu’il était dans son propre intérêt de la protéger, autant que de protéger la population locale, potentielle cliente des produits Coca-Cola. La responsabilité des entreprises vis-à-vis de leurs clients n’a pas non plus été abordée dans la mesure où Coca-Cola n’est pas une entreprise du monde de l’eau qui a des obligations de service stipulées dans un contrat envers les populations locales.

L’intervenante libanaise nous a invités à avoir une vision pragmatique : les externalités positives des entreprises bénéficient aux populations locales. Comme cela a été montré par Jared Diamond dans son livre Effondrement (2005), il existe des cas de gestion remarquable de l’environnement par des entreprises motivées par leur propre intérêt. De plus, elle nous a fait remarquer que les entreprises privées se préoccupent désormais des communautés locales et de l’environnement, ce qui est probablement insuffisant mais constitue une première étape.

Mais qui croire, lorsque, à l’opposé, lors de la conférence « Droit à l’eau et sécurité alimentaire », organisée par le Forum alternatif mondial de l’eau, une représentante indienne de l’IATP (Institute for Agriculture and Trade Policy), nous a présenté la lutte menée par les habitants de sa région ayant abouti au blocage d’un projet de ce type ? Selon elle, le PNUD met en place des partenariats avec des sociétés privées car il ne possède pas de moyens financiers suffisants, tandis que la société Coca-Cola bénéficie de conseils gratuits du PNUD et d’une meilleure acceptabilité de ses projets d'implantation et de production.

Il est regrettable que cette personne, présente lors de la conférence au Forum officiel, n’ait pas été invitée à débattre. Le manque d’avis nuancés peut être assimilé à une forme de censure et donne des arguments aux militants du Forum alternatif qui qualifient le Forum officiel de forum marchand de l’eau, à la solde des entreprises privées. En cherchant à ce que le secteur privé finance l’eau et l’assainissement, les gouvernements semblent se déresponsabiliser de leurs devoirs envers la population, sans pour autant que leur responsabilité soit transférée au secteur privé.

Eudora, Master 2 Affaires internationales, Sciences Po Paris
Emmanuel, Mastère spécialisé PPSE AgroParisTech-ENGREF
Maguelone, Master 2 Affaires internationales, Sciences Po Paris

Le FAME au FME


Espace France - Rencontre avec les représentants du FAME
mercredi 14 mars


Bien que cette séance de présentation de quelques uns des acteurs du FAME (Forum Alternatif Mondial de l’Eau) ait le mérite d’avoir eu lieu, son format de 45 minutes n’a pas su ouvrir le débat entre les représentants du FAME et du FME. De plus, l’impression de mise en scène des interventions a tué tout échange spontané. La conférence, très suivie, a permis aux représentants du FAME de s’exprimer et porter quelques uns de leurs messages au public de l’Espace France.

Nous avons pu ensuite interroger l’animatrice des échanges sur les origines de cette rencontre. Il s’avère que cette séance est née du souhait des élus des collectivités de partager leurs expériences et de venir en découvrir de nouvelles. Ce qui explique en partie pourquoi les principaux intervenants étaient des élus. Lorsque nous discutions avec elle, plusieurs personnes (FAME et FME confondus) sont venues la féliciter pour l’organisation de cette séance et sa « réussite » !

L’un des intervenants invités à la tribune est venu rappeler l’importance du Forum alternatif face aux discours quelque peu aseptisés des conférences du FME. En effet, même si le FAME n’apporte pas de solution miracle, les contestations qui en émergent pointent du doigt les problèmes et insuffisances du FME. Il se veut ouvert, et se permet de critiquer certaines manières de faire ou de penser considérées comme « établies » au sein du FME.

Finalement, le représentant de l’association Eau Vive a synthétisé les projets des deux forums en rappelant qu’ « il y a de grosses convergences entre le FME et FAME : la solidarité, la loi, l’intégration de la société civile autrement que par la concertation, mais par les circuits de décisions ». Ces éléments étant autant de points d’avancement dans la gestion mondiale de l’eau.

Pierre, Master 2 EDDEE, AgroParisTech
Pauline, Mastère spécialisé PPSE, AgroParisTech-ENGREF

jeudi 22 mars 2012

De la gestion de l’urgence humanitaire au développement : une difficile transition pour tous les acteurs

Session 1.4.6 - Assurer la transition entre la réponse humanitaire aux catastrophes liées à l'eau et le développement
jeudi 15 mars

Lors de la session intitulée « Assurer la transition entre la réponse humanitaire aux catastrophes liées à l’eau et le développement », ONG, bailleurs de fonds, représentants administratifs et politiques locaux et sociétés de traitement et de distribution d’eau ont partagé leur expérience des situations de catastrophe et de post-crise. Ce panel d’acteurs a explicité les missions de chacun dans la gestion des crises et présenté un bilan du rôle des clusters issus de la réforme de l’aide humanitaire de 2005. Les intervenants ont exposé de manière concrète et transparente les défis auxquels ils font face et les réponses qu’ils tentent de mettre en place dans un processus de « learning by doing » (apprentissage par la pratique) quand il s’agit de passer de la gestion de l’urgence à la reconstruction et au développement, dans une démarche de continuum.

En situation d’urgence, les priorités en matière d’assainissement de l’eau sont la protection de la santé, le respect de la dignité, la préservation de l’environnement et la prise en compte des besoins sanitaires féminins afin de ne pas rendre plus vulnérables des populations déjà profondément meurtries. L’investissement dans l’assainissement a également de nombreuses répercussions financières positives. Certaines techniques permettent en effet de répondre de manière rapide et efficace aux besoins des individus, première étape essentielle pour assurer la transition.

Afin d’améliorer la réponse humanitaire aux situations d’urgence, la réforme de 2005 a notamment créé des clusters. Ceux-ci ont pour finalité de renforcer le partenariat entre les institutions des Nations-Unies, les Organisations internationales et les ONG. Parmi les dix clusters créés, le cluster WASH est dédié à l’eau, l’assainissement et l’hygiène, sous le leadership de l’UNICEF.

Dans ce contexte, un plan stratégique, adopté pour la période 2011-2015, vise à renforcer l’appui à la coordination pour améliorer la réponse humanitaire, assister les gouvernements dans la préparation de leurs réponses aux crises et améliorer la qualité de ces réponses. Au niveau local, les clusters servent à suivre la situation sur place au jour le jour afin de recenser les besoins et de coordonner les actions de manière systématique. La fonction de coordination est chargée de fournir l’information mais les partenaires restent responsables de la prise en charge des besoins. Les clusters sont ainsi capables de répondre à des urgences de niveau 3, correspondant à des catastrophes telles que le tremblement de terre en Haïti ou les inondations au Pakistan en 2010, et à mobiliser des ressources.

Ils font toutefois face à des enjeux liés notamment à leur jeune existence : coûts financiers supplémentaires imprévus ; difficile gestion de l’information ; manque de transparence des données fournies par les clusters et leurs partenaires ; délicate intégration des réponses apportées sur le terrain par les différents clusters pour davantage d’efficacité.
  
De plus, si les différents partenaires maitrisent l’activation d’un cluster, ils ont plus de mal à le désactiver. Ce constat reflète les difficultés que pose la transition entre la gestion des crises et les opérations de développement. En effet, les actions menées et leur durabilité, le niveau de la prise de risque, les acteurs, les cycles de financement et de décaissement sont bien différents d’une phase à l’autre : injecter des doses de chlore dans des bidons et construire un réseau de distribution d’eau potable n’ont rien de comparable. Afin d’augmenter la sécurité sanitaire des pays en sortie de crise, le passage de témoin entre les partenaires de chaque étape doit encore être considérablement amélioré. C’est ce à quoi s’est attachée l’ONG Solidarités International avec succès en République Démocratique du Congo, en partenariat avec les autorités locales du district Tanganyika et la Fondation Veolia.

Eudora Berniolles, Master 2 Affaires internationales, Sciences Po Paris
Maguelone Calvas, Master 2 Affaires internationales, Sciences Po Paris

Quoi de neuf sous le soleil ?

Session plénière - Des solutions aux engagements
vendredi 16 mars

Cette dernière session plénière du Forum Mondial de l’Eau a réuni plusieurs dizaines de responsables internationaux (Ministres et hauts fonctionnaires, parlementaires, ONG, entreprises, organismes de bassin, etc.) dans l’objectif, cette fois, de faire part de leurs engagements pour l’eau jusqu’au prochain forum. Exposées en deux petites minutes sur fond de messages twitter rédigés en live (messages parfois totalement déplacés !), ces promesses ont été variées de par leur nature, leur niveau d’ambition et leur portée.

Politiques, gouvernance et partenariats 
  • Promotion d’une Organisation mondiale de l’Environnement (France)
  • Renforcement de la coopération transfrontalière et des conventions internationales 
  • Renforcement de l’enjeu eau dans les gouvernements et mise en cohérence avec les politiques d’aménagement du territoire 
  • Reconnaissance du rôle des gouvernements locaux et des communautés 
  • Développement des réseaux d’acteurs dans le domaine de l’eau (notamment scientifiques, politiques, gestionnaires)
Droit / acteurs parlementaires
  • Renforcement de l’enjeu eau dans les textes juridiques
  • Vote des budgets nécessaires 
  • Renforcement de la connaissance et de l’expertise auprès des parlementaires 
  • Suivi et évaluation des engagements
Aspects financiers
  • Hausse des budgets nationaux consacrés à l’eau
  • Hausse de l’aide au développement et amélioration de son efficience 
  • Développement de la coopération décentralisée (le 1% eau) 
  • Développement des redevances assignées aux écosystèmes, à l’agriculture durable, aux forêts
Programmes
  • Réduction / compensation de l’empreinte eau des industries électriques
  • Protection des écosystèmes, acquisitions foncières 
  • Partage d’expériences (plateforme internet : http://www.solutionsforwater.org/
  • Formation, renforcement des capacités des acteurs publics, privés et civils 
  • Éducation, sensibilisation du public 
  • Économies d’eau dans les établissements publics
Approches individuelles
  • Ecogestes
  • Mobilisation, activisme
Éthique
  • Rédaction d’une Charte éthique pour l’ea
Thomas, Mastère spécialisé PPSE, AgroParisTech-ENGREF
Louise, Mastère spécialisé PPSE, AgroParisTech-ENGREF

GARONNE 2050 : la démarche prospective de l’Agence de l’eau Adour Garonne


Espace France - Intégrer les changements globaux dans la future gestion de l'eau : comment prendre en compte une approche prospective ?
 jeudi 15 mars

A 13h, au premier service des petits fours de l’Espace France, difficile de se concentrer sur l’apport de la démarche prospective pour les futurs de la gestion de l'eau... Heureusement, le format de la session, une succession de petites interviews, était bien choisi pour capter l’attention de l’auditoire.

L'Agence de l'eau Adour Garonne vient d'entamer une étude prospective à l’échelle du bassin de la Garonne et à l'horizon 2050. Cette démarche doit permettre d'anticiper et de mettre en regard les besoins et les ressources en eau disponibles à l’échelle du grand bassin de la Garonne, et prendre clairement en compte les changements globaux forts qui se dessinent aujourd'hui dans le contexte économique et sociétal (pour plus de détails, aller voir le site de l'AEAG). La présentation de la démarche Garonne 2050 était intéressante, même si le lien avec les autres interventions n’était pas évident. Cependant, tous les intervenants se sont justement dits intéressés par ce type d'approche, qu'ils souhaiteraient pouvoir reproduire.

On peut se demander si le choix des intervenants extérieurs à l'Agence était pertinent. Si un effort a été fait pour réunir des personnes d’horizons et de pays différents, ils n’avaient ni les compétences ni l’expérience sur les méthodes de la prospective qui leur auraient permis de réagir. La conférence a donc constitué en une bonne introduction à l’utilité de cette discipline, mais elle est restée un peu superficielle. De plus, la démarche engagée par l'Agence étant toujours en cours, il aurait pu être intéressant d'avoir aussi l'illustration d'un exercice de prospective plus abouti, pour avoir une idée des résultats qu'on pourrait en attendre.

Nous avons pu discuter avec Françoise Goulard, responsable prospective de l'Agence Adour Garonne. Elle a insisté sur l’intérêt d’échanger avec d'autres pays pour remettre en perspective nos problématiques et échanger sur les exercices en cours.

Marc Abadie, directeur de l'Agence Adour Garonne a conclu la session en mettant en avant les apports d'une démarche prospective participative. Pour lui, il faut avant tout que les acteurs partagent le diagnostic sur les problèmes pour pouvoir chercher des solutions. Interrogé sur la difficulté de s'intéresser à des échéances de long terme, comme 2050 dans le cas des scénarios de l'Agence, Marc Abadie a rappelé que pour les problèmes de l'eau, l'horizon de 2050 n'était pas si lointain. Ce message mériterait d'être diffusé plus largement. L’urgence de la situation, combinée à la temporalité des réponses apportées par l’environnement nous encourage à réfléchir à ce type d’échéance.

Sarah, Mastère spécialisé PPSE, AgroParisTech-ENGREF
Pauline, Mastère spécialisé PPSE, AgroParisTech-ENGREF

Quels engagements de l'Europe pour "l'après Forum" ?

Synthèse Europe - "Une Europe mobilisée et unie face aux défis de l'eau"
vendredi 16 mars

Lors des dernières journées du Forum, plusieurs sessions de synthèse étaient censées résumer les discussions qui avaient eu lieu pendant la semaine, les solutions qui s'en étaient dégagées et les engagements qui y avaient été pris. Nous avons assisté à la session de synthèse sur le processus régional européen. Cette conférence a-t-elle répondu à ces objectifs ?

Quatre tables rondes se sont enchaînées durant la session, donnant la parole à une multitude d'intervenants. Il serait trop long d'en donner la liste exhaustive ici, mais nous retiendrons la participation d'un représentant de la convention de l'ONU sur les cours d'eau, des Ministères de l'Environnement roumain et croate, des grands hydroélectriciens européens (EDF, Eurelectric, RusHydro), de l'Agence de l'Eau Rhône Méditerranée et Corse, de la direction de la recherche de la Commission Européenne, du Ministère français de la Santé, ou encore d'André Santini, apparemment venu pour faire la promotion de "sa" loi sur la coopération décentralisée... Nous avons remarqué d’abord que plusieurs intervenants n'ont pas cité d'engagements clairs, certains n'ont d'ailleurs même pas proposé de solutions. Un panéliste a même annoncé qu’il faudra prendre des engagements pour l'adaptation au changement climatique au prochain Forum mondial de l'eau ! Pourquoi attendre ?

Ceux parmi les panélistes qui ont fait l'effort de passer à l'étape des engagements sont malheureusement restés dans l'ensemble sur des objectifs assez vagues, à quelques exceptions près. Ainsi, aucune vision claire des engagements européens ne se dégage.

Ne pouvait-on pas attendre plus de ce Forum qui mettait l'accent sur l'action ? Ne pouvait-on pas, surtout, attendre plus de l'Europe, et en particulier de l'Union européenne ? Les intervenants ont en effet insisté sur les grandes avancées déjà réalisées en Europe au niveau de la gestion et de la préservation des ressources en eau, notamment à travers le modèle de la Directive Cadre sur l'Eau. Nous avons donc déjà un certain nombre de solutions dans l'UE, mais l'introduction de la session a aussi insisté sur le retard actuel dans leur mise en œuvre. Pourtant, aucune proposition n'a été faite pour s'attaquer à ces problèmes d'application. N'est-ce pas pourtant ce point qui devrait être prioritaire ?

Mais la question pourrait être tournée autrement… L'UE a déjà des solutions, et des engagements. Faut-il encore chercher de nouveaux engagements ou bien plutôt essayer de respecter ceux existants ? Celui de la DCE d'atteindre le bon état des eaux en 2015, même s'il ne sera pas rempli dans les temps, n'est-il pas déjà suffisamment ambitieux ? Ne faut-il pas prendre le temps de trouver les causes du retard d'application de la DCE, les solutions pour les surmonter, et enfin passer à l'action ?

Pierre, Master 2 EDDEE, AgroParisTech
Sarah, Mastère spécialisé PPSE, AgroParisTech-ENGREF

mercredi 21 mars 2012

Ode à la coopération décentralisée

Espace France - 1% solidaire pour l'eau : collectivités locales, votre action compte
mercredi 14 mars


Les retours d'expérience de coopération décentralisée se sont habilement croisés sur l'espace France du Forum Mondial.

Mais avant tout, pourquoi faire de la coopération décentralisée ?

Cela paraîtra peut-être choquant pour certains, mais cette question avait du mal à trouver une réponse claire dans mon esprit. Du point de vue d'une commune d'un pays en développement, d'accord. Dans le cadre de la mise en place d'une coopération avec une ville française, elle peut former ses agents municipaux, s'inspirer du fonctionnement des services, échanger, lancer des projets qui permettront d'aider à son développement, ou tout simplement recevoir les financements qui lui font généralement cruellement défaut.

Mais du point de vue de la ville française ? Qu'est-ce qu'une ville française a à gagner à se lancer dans la coopération décentralisée ?

Car il ne faut pas me raconter d'histoires : je veux bien que nous soyons tous de merveilleux philanthropes, et que nous ayons la passion de transmettre notre « fameux » modèle français aux quatre coins du globe, mais la question, ne serait-ce que du budget alloué à la coopération, peut intriguer, surtout en ces périodes de disette financière pour nos administrations locales.

Et bien, après la session tenue sur l'Espace France, il me semble que nous avons (tout) à y gagner. Premièrement, les projets de coopération sont fédérateurs, ils font travailler ensemble les membres de la collectivité autour d'un même beau projet, dénué d'intérêts financiers. Les gens se parlent, s'interrogent, observent les évolutions, ont des idées. Les plus jeunes échangent avec les plus anciens. Et en plus d'encourager aux échanges à l'échelle d'une commune, les projets parallèles de plusieurs villes, d'un même territoire, visant des mêmes régions du globe, peuvent lier ensemble des villes françaises, et les faire échanger entre elles. La coopération décentralisée devient alors fédératrice à l'échelle d'un territoire.

Deuxièmement, les échanges permettent de faire prendre conscience aux populations des communes françaises des problématiques de certains pays, des différences de situation. Le Nord ne sait pas ce qu'est le manque d'eau, et comprendre ce genre de choses permet de traiter la ressource avec respect et parcimonie. Mettre en avant les dangers qui touchent le patrimoine mondial de l'humanité, comme par exemple les risques provoqués par les changements climatiques sur les oasis, peut aider à modifier de façon notable les comportements quotidiens.

Et enfin, et c'est sûrement le plus important : la richesse des échanges de point de vue et de culture, n'a pas de prix. Prendre du temps à se connaître, se découvrir, de faire confiance, se respecter, est bénéfique pour tout le monde. Ça paraît sûrement bête et idéaliste, mais j'en suis convaincu.

Axel, École des Ingénieurs de la Ville de Paris

Expériences de gouvernance en Méditerranée

Session régionale MED3.2
mercredi 14 mars

L’objectif de cette session était de présenter les solutions en matière d’adaptation de la gouvernance aux mutations climatiques, politiques, socio-économiques et environnementales dans la région Méditerranée, à travers cinq études de cas : un cas espagnol, deux cas marocain, un cas tunisien et un cas des Balkans de l’ouest.

Dans une région particulièrement touchée par la pénurie d’eau, les solutions dégagées pour la gestion de cette précieuse ressource s’appuient sur une intégration sectorielle et une participation active de l’ensemble des acteurs du territoire. Comme l’ont rappelé plusieurs intervenants, « ce n’est qu’en parlant un langage commun que l’on trouve des solutions ». Les difficultés résident dans la gestion des interconnections entre les différentes parties prenantes, situées à des niveaux allant du local à l’international, dans un contexte de changements incessants, paramètres imposant une adaptabilité et une flexibilité des processus de gouvernance.

Au-delà de ces similitudes, chaque cas présente une problématique propre et nécessite donc l’élaboration d’une réponse particulière.
  • Murcia, région structurellement déficitaire en eau, doit impérativement faire appel à la contribution de bassins situés dans d’autres régions. La solution développée confie aux communautés d’utilisateurs la gestion de la ressource.
  • Dans la Province marocaine de Taroudant, la gouvernance participative a permis d’introduire des mécanismes de solidarité et de dialogue. Le Schéma d’Aménagement et de Gestion Intégrée de l’Eau du Bassin Hydraulique d’Arghane (SAGIE) est conduit dans un processus de concertation par un Comité de l’Eau et un Atelier de Concertation regroupant l’ensemble des parties prenantes.
  • En Tunisie, pays connaissant une tradition centenaire de gestion des systèmes d’irrigation, une révision du cadre juridique avait pour objectif de faciliter la création de Groupements de Développement Agricole (GDA). Des retours d’informations et d’expériences continuent de nourrir ce processus de gouvernance.
  • A Casablanca, l’opérateur du projet d’accès au service d’eau potable et d’assainissement aux quartiers d’habitat non réglementaire a joué un rôle déterminant dans l’intermédiation. La volonté politique et la connaissance socioéconomique et technique du terrain ont été également essentielles à la réussite de la démarche.
  • Enfin, dans les Balkans de l’ouest, la Dinaric Arc Sustainable Hydropower Initiative (DASHI) mise en œuvre par le World Wide Fund, a pour objectif la prise en compte de la préservation des écosystèmes dans le cadre de projets hydroélectriques. En instaurant un partage d’informations entre autorités locales et nationales, entreprises hydroélectriques, bailleurs de fonds et associations, cette nouvelle forme de gouvernance vise à davantage de transparence pour conduire à des choix durables en matière de développement.
Le temps de présentation de chaque projet étant assez court, il est regrettable que les intervenants n’aient pu suffisamment insister sur la spécificité de chaque cas. En particulier, il aurait été intéressant d’en apprendre davantage sur les processus d’adaptation des modes de gouvernance aux changements politiques dans le contexte du Printemps arabe.

Maguelone, Master 2 Affaires Internationales, Sciences Po Paris
Mehdi, École des Ingénieurs de la Ville de Paris

De l’humanité dans les politiques de l’eau

Racines et citoyenneté : Vers une éthique et une spiritualité de l’eau
jeudi 15 mars

Ce sujet hors normes étonne dans ce forum où se croisent les plus grands responsables mondiaux de la question de l’eau. Pourtant, ce petit groupe composé de penseurs et de chercheurs de différentes origines et confessions a rassemblé un auditoire nombreux. Est-ce à croire que les discours techniques et politiques lassent et qu’il devient nécessaire de retrouver le sens de l’action en faveur de l’eau ? Les raisons rationnelles pourraient pourtant suffire : tant de millions de personnes dans le monde souffrent de la soif ou de problèmes sanitaires liés à l’eau.

Pourtant, l’ « irrationnel » - ou plutôt les formes de rationalité rendues non conventionnelles par notre époque et la culture occidentale - peut être tout aussi primordial pour un grand nombre de personnes. Les perspectives "humanisantes" paraissent nécessaires, comme fondement aux notions économiques et technologiques qui, seules, peuvent être froides et peu propices à l’épanouissement des êtres. En effet, la relation entre l’Homme et l’eau est particulière, et ce depuis les toutes premières civilisations. Déjà parce que l’Homme est composé à plus de 65% d’eau. Mais aussi parce que l’eau, complexe et ambivalente, est tout aussi bien symbole de vie, de fécondité et d’échange que de mort, de destruction et de séparation. Depuis les origines de l’humanité, elle a une dimension métaphysique reconnue par toutes les cultures et les spiritualités du monde. L’eau est donc un élément commun, un lien entre les Hommes.

L’eau est également la base de nombreuses valeurs fondatrices : la Création du monde dans les différentes cosmogonies, l’indépendance, la renaissance, le mouvement, le transcendant, l’utopie, la paix. L’eau est aussi source d’inspiration dans l’art et l’esthétique. Tous les ouvrages de génie civil qui s’y attachent sont magnifiés et consacrés : ponts, fontaines, viaducs, temples... Pour ces raisons, toutes les civilisations étaient traditionnellement sévères avec ceux qui salissaient ou détérioraient l’eau. Aujourd’hui il pourrait être bon de renouer avec cette sagesse, et de redonner une place centrale au respect, à la préservation, à la juste utilisation et au partage de la ressource.

Mais que signifie de nos jours retrouver une éthique de l’eau ? L’éthique est ce qui oriente et définit nos actions, et elle est à ce titre sous-jacente à l’action politique. C’est pourquoi il parait tant nécessaire d’oublier les tabous et de lui redonner une place centrale et explicite. C’est peut-être la seule façon de dépasser les petits ajustements, d’aller au-delà des logiques d’appropriation et de domination pour concevoir enfin d’autres modèles et s’engager dans de réelles alternatives de société. D’ici là, les valeurs éthiques peuvent déjà être utilisées pour motiver l’action, éduquer, résoudre des conflits et créer du consensus, ou encore définir des cadres de gouvernance.

Dans ce contexte, le groupe Biosphere Ethics Initiative de l’UICN a initié la rédaction d’une charte intitulée « Marseille Water Ethics », destinée à promouvoir une approche plus éthique de la gestion de la ressource en eau. Nous lui souhaitons bon vent !

Thomas, Mastère spécialisé PPSE, AgroParisTech-ENGREF
Louise, Mastère spécialisé PPSE, AgroParisTech-ENGREF


Rapide visite au FAME


jeudi 15 mars


Nous éloignant un instant de l'effervescence du Forum mondial de l'eau (FME), nous sommes rapidement passées au Forum alternatif mondial de l'eau (FAME). Cette courte visite a malheureusement été trop brève pour nous donner une vision exhaustive de l’évènement ; cependant nous souhaitions partager quelques unes de nos impressions.

Nous avons pu assister aux "controverses" du FAME, des débats organisés entre deux personnes, exprimant leurs points de vue (généralement divergents) pendant une dizaine de minutes chacun puis poursuivant l’échange avec le public. Le format de ces sessions est intéressant, car il permet l'expression d'arguments contradictoires. Il constitue ainsi une alternative originale au format quasi monolithique des "panels" du FME.

De plus, les thèmes abordés lors des controverses que nous avons pu voir interrogeaient des notions qui semblent communément admises au sein du FME. Par exemple, deux intervenants se sont posés la question suivante : "Droit à l'eau : progrès ou imposture?". On peut malgré tout regretter que sur ces thèmes qui auraient pu être déclinés à l'international, les débats ont principalement portés sur des spécificités françaises.

De manière plus générale, nous avons trouvé qu'il n'émergeait pas un message clair du FAME, ce qui contraste un peu avec la ligne directrice du FME, qui insiste sur la recherche de solutions (sans préjuger du résultat final de cette démarche…).

Nous avons également trouvé dommage que seuls des partis politiques français soient présents dans un Forum alternatif  "mondial". D’autant plus que leur communication, au regard des prospectus et de la documentation de leurs stands, semblait moins axée sur l'eau que sur leurs programmes électoraux…

Finalement, en discutant avec plusieurs exposants, nous avons été surprises de voir qu'ils ne s'étaient pas rendus au FME, leur présence au FAME semblant plus relever d'une opposition de principe au Forum conventionnel. Nous pensons que les deux Forums gagneraient à instaurer un dialogue plus direct entre eux pour aller dans le sens d'une démarche plus constructive.

Pauline, Mastère spécialisé PPSE, AgroParisTech-ENGREF
Sarah, Mastère spécialisé PPSE, AgroParisTech-ENGREF

Continuité écologique : comment aller plus loin ?


Porter à haut niveau l’enjeu environnemental dans la conception et la gestion d’ouvrages hydroélectricité
vendredi 16 mars

La session « Porter à haut niveau l’enjeu environnemental dans la conception et la gestion d’ouvrages hydroélectricité » à l’Espace France visait à présenter les solutions à notre disposition pour restaurer (ou conserver) la valeur écologique des cours d’eau dégradés par la présence d’ouvrages hydroélectriques. Organisée par l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse (AE RMC), on pouvait compter en plus des témoins français (EDF, Bureau de l’eau et de la biodiversité du Ministère de l’écologie, AE RMC, micro-centralien), le WWF et l’association internationale des électriciens.

La présentation faite par le directeur de l’agence a été efficace, allant droit au cœur du sujet avec des exemples pertinents. Il a su mettre en avant les 3 points noirs liés à la présence d’ouvrages sur nos cours d’eau (transports des sédiments, gestion des flux et mobilité piscicole), l’importance de concilier solutions techniques et économiques, ainsi que les particularités de l’énergie hydroélectrique en tant qu’énergie durable « stable ». Il a également mis l’accent sur l'actuelle diminution de la consommation d'eau, qui selon lui découle en partie du Grenelle de l’environnement (ce-dernier ayant été également loué par le WWF, mais pour la dimension participative de la démarche). Nous déplorons cependant ces quelques mots malheureux : « [nous continuons de] créer de la continuité écologique » alors que nous ne faisons que restaurer ce que nous avons fortement dégradé. Rappelons aussi qu’être leader dans un domaine n’implique pas forcément que l'on y est exemplaire...

Les différents intervenants ont su mettre en avant les "bonnes actions" qu'ils ont conduit en matière de continuité écologique. Les retours d’expériences sont certes intéressants, mais pour ce dernier jour du forum des solutions, nous attendions des engagements novateurs. C’est ce qui a été en ébauché avec l’intervention de l’IHA (International Hydropower Association) qui a présenté son protocole d’évaluation de l’hydroélectricité durable, visant à établir le profil environnemental des ouvrages. Alby Schmitt (Ministère de l’écologie), a également souligné le manque de porteurs de projets à l’échelon local et a proposé de réunir les concessionnaires par bassin versant comme nouvelle forme de gouvernance sur ces sujets. Le WWF, quant à lui, s’est permis un « rappel à l’ordre » précisant que même si la situation évolue en France, les tendances restent préoccupantes et qu’il faut donc mener des réflexions plus larges sur l’impact des ouvrages et leur utilité réelle (en fonction des situations).

Finalement, EDF a recadré (mais un peu tard) les discours précédents en précisant que les concepts développés n’étaient pas nouveaux mais issus d’une réflexion vieille de plusieurs décennies déjà. Par ailleurs, selon EDF, la problématique clé est celle de l’hydromorphologie des cours d’eau, sur laquelle on travaille trop peu encore aujourd'hui.

Mehdi, École des Ingénieurs de la Ville de Paris
Pauline, Mastère spécialisé PPSE, AgroParisTech-ENGREF

Les « controverses » du Forum Alternatif Mondial de l’Eau


Controverses - FAME
jeudi 15 mars

Le FAME (Forum Alternatif Mondial de l’Eau) qui s’est tenu en parallèle du Forum Mondial de l’Eau a permis aux associations environnementales et aux acteurs non présents sur le Forum Mondial de s’exprimer sur ce sujet fondamental qu’est l’eau mais aussi d’apporter un autre éclairage, où la valeur marchande de cette ressource est moins marquée. Pour se faire, des stands mais également des ateliers (dont de courts débats d’une demi-heure) sur les différentes « controverses » liées à l’eau ont pris place au Dock des Suds de Marseille.

Lors de ces débats, deux intervenants, parfois (mais pas toujours) en désaccord, défendaient leur position avant de laisser la place aux questions de la salle. En voici quelques exemples :
  • Concernant la « coopération décentralisée », le débat a porté sur la pertinence de la loi Oudin-Santini et de ses dérives potentielles. En effet, les 1% des redevances d’eau utilisées dans le cadre de ces coopérations peuvent être considérés comme inégalitaires pour des familles aux faibles revenus si elles sont votées par les collectivités. Dans ce contexte, la possibilité d’une taxe liée aux revenus ou d’un impôt local en faveur de la coopération décentralisée a été évoquée, celle-ci permettant aux citoyens de participer aux débats concernant l’utilisation des fonds.
  • Lors de la controverse sur le « Droit à l’eau : progrès ou imposture ? » divers aspects (également abordés lors du Forum Mondial de l’Eau) tels que la nécessité d’appliquer ce droit reconnu en 2010 par les Nations Unies et la nécessité de l’inscrire dans la législation des différents Etats ont été abordés. L’idée de renforcer le droit à l’eau en France a été revendiquée mais aussi celle de garantir 40 litres d’eau par jour à toute personne résidant sur le territoire. Une seule modalité a été réellement débattue lors de cette « controverse » : celle de la gratuité ou non de l’eau.
  • Les modes de gestions de l’eau n’ont été que faiblement débattus lors de la controverse intitulée "Service public : régie, SPL ou coopérative ?", les différents intervenants étant d’accord sur les avantages que le mode en régie présentaient vis-à-vis des autres modes, notamment en terme de coût public (pas de rémunération d’actionnaires et augmentation faible du prix de l’eau d’une année sur l’autre) mais également de transparence, de contrôle et d’indépendance pour les collectivités.

Ainsi lors de ces trois débats, très denses et très courts, des points essentiels des enjeux autour de l’eau ont été évoqués. Cependant, on peut regretter que ces « controverses » soient malheureusement restées principalement franco-françaises (tout du moins pour celles présentées ci-dessus) et qu’elles n’aient amené qu’à peu de débats malgré leur importance. Les différents intervenants étant le plus souvent en accord sur le fond, seules de légères variations d’opinion relatives à des modalités d’application ont pu être réellement débattues. Ce phénomène aurait pu être évité si un plus grand nombre de participants au forum officiel s’étaient également rendu au forum alternatif.

Louise, Mastère spécialisé PPSE, AgroParisTech-ENGREF
Thomas, Mastère spécialisé PPSE, AgroParisTech-ENGREF

Eau et sécurité alimentaire : des lieux communs en guise de solutions

Panel de haut niveau : eau et sécurité alimentaire
13 mars

Le panel de haut niveau eau et sécurité alimentaire réunissait des personnalités de différents pays et organismes pour s'attaquer à un problème majeur : les liens entre l'agriculture et l'eau. En effet, l'agriculture utilise déjà 70% des prélèvements d'eau au niveau mondial, et la demande agricole ne cesse d'augmenter avec l'accroissement de la population.
Nos attentes ont été globalement déçues par cette conférence. Les interventions et les questions ont eu du mal à rester centrées précisément sur l'eau et l'agriculture et ont souvent dévié sur la sécurité alimentaire seule. De plus, peu de solutions concrètes ont été réellement proposées. Ceci est peut-être dû au format de ce type de conférence un peu générique, mais c'est malgré tout regrettable dans un Forum qui se dit vouloir mettre l'accent sur les solutions. Les quelques pistes d'action évoquées s'inscrivent dans la continuité des politiques actuelles, ne remettant pas en cause les modèles de production agricole ou les régimes alimentaires. N'est-il pas pour autant nécessaire d'envisager des solutions de rupture face à l'ampleur des défis à relever en termes de préservation de l'eau et de production agricole ?

Le ministre français de l'agriculture a affirmé vouloir faire quatre propositions concrètes, mais elles nous semblent toujours éloignées de réelles solutions opérationnelles. Ces propositions sont les suivantes :
  • développer l'irrigation partout dans le monde ;
  • investir dans l'innovation et la recherche, notamment dans la sélection de variétés résistantes à la sécheresse ; 
  • développer l'agriculture familiale ; 
  • mettre en place une gouvernance mondiale de l'eau pour l'agriculture.
Ces propositions mériteraient d'être plus détaillées. Par exemple, faut-il réellement développer l'irrigation partout ? Cette idée est-elle cohérente avec un diagnostic de rareté des ressources en eau? Les mots sont importants : s'agit-il de "développer", ou "d'améliorer" l'irrigation?

Surpris, nous avons interpelé Alexander Muller, sous directeur général de la FAO, au comptoir du bar du Village des solutions. Voici le compte rendu des discussions, sous réserve de bonne traduction :
  • "Êtes vous d'accord avec la proposition du Ministre de l'agriculture, Bruno Lemaire au sujet de l'irrigation ?" Après une légère moue, il nous a fait remarquer qu'il s'agissait de propositions trop générales. Des travaux doivent être menés pour améliorer l'irrigation par endroit et d'autres solutions doivent être envisagées dans les zones disposant de faibles ressources hydriques. 
  • "Dans l'hypothèse d'un désaccord profond avec une proposition du Ministre, pourriez vous exprimer votre opinion ?" Bien sûr, nous a-t-il répondu. Il a ensuite ajouté que la proposition de Bruno Lemaire concernant la gouvernance était encourageante et rarement exprimée par de tels représentants, ce qui nuance notre impression négative. 
Sarah, Mastère spécialisé PPSE, AgroParisTech-ENGREF
Emmanuel, Mastère spécialisé PPSE, AgroParisTech-ENGREF

lundi 19 mars 2012

Conférence sur la fracturation hydraulique


Présidée par Corinne Lepage, eurodéputée et ancienne ministre française, la conférence a permis d’exposer les conséquences environnementales de l’exploitation des gaz non conventionnels par fracturation hydraulique. La situation aux Etats-Unis puis les prospections en Bulgarie ont été décrites par des membres de collectifs opposés à cette exploitation. L’intervenante américaine a présenté les risques liés à l’utilisation de produits très toxiques dans la technique de fracturation hydraulique, rappelé le besoin de volumes d’eau très importants pour l’exploitation puis les limites du traitement  des eaux chargées en produits dangereux avant leur rejet dans le milieu naturel.

En Bulgarie, la situation est présentée comme aussi inquiétante car les forages s’effectuent dans une grande plaine agricole sous laquelle se trouve un aquifère souterrain très important qui dépasse les frontières bulgares. D’autres pays comme la Roumanie ont accordé des permis d’exploitation dans des zones frontalières proches des réservoirs souterrains communs à plusieurs pays. Les habitants n’ont pas d’informations sur les  impacts de l’exploitation. Après une grosse manifestation, une demande de concession a été rejetée. Il est fait appel à l’Europe pour intervenir.

Pour Corinne Lepage, l’exploitation des gaz non conventionnels rend inopérante toutes les solutions de transition  énergétique vers des énergies renouvelables. Le Parlement européen s’est saisi de la question car il n’existe actuellement aucune réglementation européenne. Il est envisagé de revoir le champ d’application de la DCE et d’intégrer les incidences des forages, de rendre obligatoire l’affichage des produits toxiques utilisés dans les procédés d’extraction.
C’est la Pologne qui bloque actuellement les décisions européennes sur la lutte contre le changement climatique car elle est très intéressée par l’exploitation des gaz de schistes.
En France, la loi de juillet 2012, interdisant d’utiliser la technique de fracturation hydraulique a conduit à retirer 3 permis d’exploitation mais 63 sont toujours autorisés.

Des participants à la conférence ont fait savoir que des réactions d’opposition forte des populations existent également en Espagne, à Londres et à Bruxelles.
En allant à cette conférence je pensais qu’il y aurait également des intervenants pro « fracturation hydraulique » afin d’entendre de nouveaux arguments mais ce n’était pas le cas.

Transmis le 19/03/2012 par Sylvie Piquenot (Délégation régionale PACA & Corse)

Citations glanées

Un écogarde algérien, dans le cadre du programme de restauration et de préservation des petites îles de Méditerranée : « un mérou vivant rapporte plus qu’un mérou dans un plat »

Laurent Ballesta, photographe sous marin, association « L’œil  D’Andromède », lors d’une table ronde sur la protection du littoral, voici ce qu’il répond pour traduire son rôle dans le programme des petites îles de Méditerranée et la mission pour laquelle il met au service son talent : « rendre visible l’invisible »
Et lorsqu’il répond à une question concernant l’état de nos aires marines : « certes il y a 60 ans c’était mieux, mais il y a 30 ans c’était pire »

Pour finir, une citation de Thierry Ruf (IRD) lors de la journée technique Aïgo : « il n’y a pas de gestion de l’eau sans conflits, des arbitrages entre les différentes parties sont nécessaires »

Transmis le 15/03/2012 par Karelle Matteoda (Délégation régionale PACA & Corse)

Le Forum en images - 6

























Transmis le 19/03/2012 par Frédéric Housset (Délégation régionale de Montpellier)

L’importance de l’accès à l’eau et à l’assainissement pour les populations défavorisées européennes

Processus Région Europe session n°7
jeudi 15 mars


Cette session trilingue (anglais-français-russe) était organisée par UNECE (Commission Economique des Nations Unies pour l’Europe), par l’OMS et par Solidarité Eau Europe. Elle a été ouverte par Chantal Gatignol et Marie Favrot, fonctionnaires au ministère français de l’Emploi, du Travail et de la Santé, qui ont lancé le thème ‘aucun laissé pour compte’, alors qu’il y a 110 millions de gens en Europe et en Asie Centrale qui n’ont pas encore accès à l’eau et à l’assainissement. Et pourtant, ont-elles ajouté, le droit à l’eau a été reconnu comme droit humain aux Nations Unies. Il faut lutter contre trois grands types de disparités : géographiques et techniques, sociales, économiques.

Le premier cas a été présenté par Vardan Melkonyan, de l’Armenian Water and Sewerage CJSC, Arménie, en partenariat avec la SAUR, qui a un contrat de Gérance de 4 ans renouvelé 3 fois, et qui devrait passer à un affermage. On part d’une situation où l’eau est accessible 6 heures par jour en moyenne, et où seulement 30% des habitants ont un compteur. L’intervention a porté sur les quelque 600 zones non raccordées, et où en général la situation est catastrophique. Les principales actions de la SAUR semblent avoir été d’élever le niveau de service (lutte contre les fuites et allongement de la durée de service) ; d’améliorer la prise de conscience par le public, et donc le pourcentage de gens payant leurs factures (de 35000 à 60000) ; et enfin, de mettre en place un Call center pour accroître la participation du public.

Madame Anara Choitonbaeva, de l’Alliance kirghize pour l’eau et l’assainissement, a ensuite présenté le cas du Kirghizstan : lorsque les fermes collectives ont été privatisées en 1991, le système d’approvisionnement en eau soviétique s’est effondré, et il s’agit d’aider les communautés villageoises à s’auto-organiser (soutien de DFID britannique et de la Banque Mondiale). Un programme de formation a été mis sur pied, pour réunir séparément les femmes, les hommes et les jeunes, afin que davantage de gens prennent la parole ; les comités des Community drinking water users' unions doivent faire davantage d’auto-contrôle. Une tarification forfaitaire par mois a accru le sentiment d’être collectivement propriétaires des systèmes techniques. Cela a permis d’enclencher un élargissement de la problématique à l’ensemble des conditions de vie, et notamment aux services publics d’énergie.

Johanna Huet du SIAAP a rappelé que des populations démunies se trouvent aussi en Île-de-France, une des régions les plus riches d’Europe. L’institution s’est dotée d’un Observatoire des Usagers (OBUSASS) qui permet de préciser l’état des choses. Au niveau national, un dispositif de solidarité sur le logement (le FSL), a été étendu aux services d’eau et d’assainissement, et le SIAAP a pu dégager 300 000, puis 350 000 euros d’aide. Mais le FSL ne permettait d’intervenir que dans des situations d’impayés, donc chez des abonnés individuels. Autorisant les services publics à distraire jusqu’à 0.5% du chiffre d’affaires pour aider plus démunis, le dispositif nouveau de la loi de 2010 (loi Cambon), augmente considérablement les disponibilités (jusqu’à 90 million d’euros par an) ; il permet aussi d’intervenir aussi chez des habitants qui n’ont pas de compteurs.

Pour Jean-Benoît Charrin, avocat suisse, la reconnaissance du droit à l’eau par les Nations Unies se traduit par le rapprochement de 2 branches du droit, celui de la santé et celui des droits de l’homme. Le premier pas en avant est d’améliorer l’accès à l’information, qui exige l’intervention de profils professionnels inter-sectoriels pour assurer la liaison. Le second est d’améliorer l’accès à la participation, ce qui suppose une organisation de la société civile pour faire l’intermédiation entre l’Etat et la population. Enfin la troisième étape est l’amélioration de l’accès au contrôle administratif et judiciaire : la responsabilisation des autorités ne doit pas conduire à faire des procès tous azimuts, mais progresser en commençant par des contrôles d’experts, puis en recourant à des ombudsmen, en enfin en allant éventuellement au tribunal. 

Kristalina Georgieva, commissaire européenne à la coopération internationale, à l’aide humanitaire et aux crises, a indiqué pour sa part que dans le domaine de l’eau, l’enjeu était de s’occuper des villes moyennes et petites et des populations rurales. S’appuyant sur l’exemple de son pays, la Bulgarie, où 40 à 60% de l’eau est perdue avant consommation, elle a estimé qu’il fallait suivre trois buts : les économies d’eau, la concurrence entre les gestionnaires des services (utilities), et le ciblage des plus vulnérables[1]. Elle a terminé en rappelant la mise en place d’un mécanisme de coopération européen pour soutenir les victimes de catastrophes. 

Le représentant de l’agence de l’eau de la Moldavie, Nicolae Laptedulce, a rappelé la situation de son pays : des eaux souterraines insuffisantes car mal réparties, et de mauvaise qualité. D’où une stratégie nationale de transferts d’eau depuis le Dniestr : un aqueduc de 72 km dessert les deux villes principales, et on veut raccorder 5 villes de plus soit 200 000 hab. Pour cela il faut étendre le réseau existant (coût de 3.5 md €), et améliorer les traitements de l’eau. Tout cela requiert l’intervention d’investisseurs étrangers[2].

Bogachan Benli, représentant de la coopération internationale suédoise, SIWI, a conclu sur la nécessité de promouvoir des solutions locales qui puissent être mises en œuvre avec les moyens dont on dispose.

Les questions de l’auditoire : on a d’abord évoqué la construction préalable d’institutions de type communautaire pour la mise en place de solutions autonomes ou semi-collectives, sans perdre de vue l’objectif d’atteindre un niveau d’organisation de type service public. Puis un participant a évoqué longuement le cas des communautés Roms en Seine St Denis, concluant par une proposition de leur accorder des mètres cubes gratuits ; ce qui a entraîné un petit débat sur l’utilité ou non des tarifications par tranches croissantes. Mais Henry Smets, présent dans la salle, est resté silencieux.

La séance s’est conclue par la présentation par Marie Favrot, d’un ‘guide de bonnes pratiques’ de la CEE – NU, consacré à l’accès équitable à l’eau et à l’assainissement dans la région pan-européenne, auquel son ministère (Santé, emploi, solidarité) a contribué. Aucun laissé pour compte, son titre, résume l’ambition de cette session n°7 du processus Europe.

Bernard, professeur à AgroParisTech-ENGREF


[1] Ce discours répétant le catéchisme libéral porté par les ‘bons élèves’ de l’adhésion à l’Union nous paraît pitoyable : qu’est-ce que ça veut dire, la concurrence entre les utilities dans ces zones pauvres qui n’intéressent aucune entreprise privée ???
[2] Là encore, on ne peut manquer de se demander s’il ne s’agit pas simplement de défendre des ‘solutions’ de génie civil coûteuses et qui ne traitent pas du problème des populations démunies des petites villes et des campagnes ; d’autant qu’on ne voit pas quels investisseurs étrangers viendront en Moldavie.

Réguler par les indicateurs de performance : est-ce suffisant ?


La France est un pays de diversité : on y décompte actuellement plus de 30 000 services publics d’eau et d’assainissement, soit plus que tous les autres pays d’Europe réunis (!). Face à une telle fragmentation, comment comparer tous ces services ?

Certains de nos voisins ont choisi de créer des Agences de Régulations (ex : Royaume Uni, Portugal, etc.), chargées de collecter des informations sur les performances de leurs services d’eau et d’assainissement, et en conséquence de les inciter ou de les obliger à s’améliorer. En France, jusqu’à présent aucun régulateur national n’a pu émerger, la régulation restant une compétence des autorités locales (communes, intercommunalités, syndicats de commune, etc.). Pour autant, la France dispose depuis 2007 d’un institut public national, qui collecte des « indicateurs de performance » des différents services d’eau et d’assainissement : c’est l’ONEMA ! Son dernier rapport SISPEA compare les divers services français d’eau et d’assainissement, une démarche de type sunshine regulation rendant publiques des informations sur la performance respective des différents services, afin de les faire réagir et s’améliorer avant d’apparaître comme le ‘mauvais élève de la classe’.

Les ‘indicateurs de performance’ sont donc un outil à la fois de régulation (ex : ERSEAR, régulateur national du Portugal), de contrôle direct sur l’opérateur (ex : Pudong Shangai, Nantes Métropole), un outil de confiance entre les divers acteurs (ex : Aguas de Santiago de Estero), et enfin un outil de contrôle interne de l’opérateur lui-même (ex : SEEAL à Alger). A ces divers usages correspondent virtuellement une infinité d’indicateurs de performance et de benchmark (comparaisons) possibles : Normes ISO, base IB.Net, IWA, SISPEA, etc.

Si les indicateurs de performance s’avèrent parfois plus efficaces que des pénalités, ils présentent aussi de nombreuses limites (informations incomplètes ou fausses, données peu représentatives, etc.). Pire encore, les indicateurs de performance présentent de nombreux biais : il faut notamment prendre garde à ce que les indicateurs restent un "outil" et qu’ils ne deviennent pas un "objectif" en soi. Tous les intervenants ont également mis en avant la nécessité d’une autorité organisatrice "forte", qui reste l’élément central permettant de contrôler l’opérateur du service dans les faits.

Bref, que retenir ? Tout d’abord que la régulation du service d’eau et d’assainissement nécessite un "régulateur" fort, qu’il soit national ou local ! Ce n’est qu’une fois ce premier élément assuré que les « indicateurs de performance » pourront être utiles et efficaces, et non l’inverse.

Julien, Doctorant AgroParisTech-ENGREF

Les boues d’épuration : ressource plutôt que déchet

Espace France - Les boues d'épuration, une source d'énergie
jeudi 15 mars

La courte présentation du projet de méthanisation des boues d’épuration sur l’agglomération grenobloise qui s'est tenue jeudi sur l'Espace France a montré que, par rapport à ses voisins européens, la France sous-exploite la solution de la digestion des boues. Pourtant, la méthanisation des boues d'épuration n'est pas sans intérêt, et on pourrait classes ses principaux avantages et inconvénients de la manière suivante :
La présentation a fait apparaître les avantages et inconvénients de cette démarche :

+ diminution de la quantité des boues
+ production d’énergie
+ diminution des odeurs
         - coût élevé
     -    risque d’explosion

Suite à la présentation, notre rencontre avec M. Bruno Maneval, directeur assainissement de Grenobme Alpes Métropole, nous a appris en complément que :
  • le projet est innovant sur deux points : l’utilisation du bio gaz produit à la place du fioul (du four d’incinération) et l’injection du méthane excédentaire dans le réseau de gaz naturel (cette opération donne lieu à un rachat de ce gaz, via les certificats verts, par le réseau de transport urbain qui réalise ainsi un transport « décarboné »),
  • l’ANSES considérant qu’il n’y a pas assez de données et se basant uniquement sur celles fournies par les centres d’enfouissement technique (décharges) et malgré les expériences suisses et allemandes, refuse pour l’instant l’opération de réinjection, 
  • la méthanisation revient au centre des réflexions car : « plus la sortie de boues coûte cher plus il y a d’avantages à réduire [et valoriser] le gisement », 
  • on estime la production pour l’agglomération de Grenoble à 18 GW/h annuel.

De cette session, nous avons donc retenu la possibilité d’avoir des stations d’assainissement autonomes voire excédentaires en énergie, et qui auraient alors un impact positif sur d’autres services urbains.

Mehdi, École des Ingénieurs de la Ville de Paris
Emmanuel, Mastère Spécialisé PPSE, AgroParisTech-ENGREF

SLUM : D’un monde de bidonvilles à un monde de solutions ?


Pour cette édition 2012, le réseau projection (plateforme d’échange entre jeunes professionnels des services essentiels du Nord et du Sud) a proposé au 6ème forum mondial de l’eau la reconstitution d’un « bidonville » au sein du village des solutions. Même si l’idée semble intéressante, du moins interactive et ludique, il faut regretter le manque de lisibilité des solutions présentées. Cette belle initiative, appréciée par de nombreux acteurs de ces territoires, avait pour vocation de sortir les quartiers précaires de leur image de misère afin de mettre en avant leur dynamisme et leur vitalité.

Après avoir assisté au panel de niveau local de mercredi, proposant des rencontres avec les acteurs du terrain ; je me suis entretenue avec Mme Traoré, ingénieur hydraulique territorial de Bamako. Selon elle, cette mise en scène des quartiers précaires a eu un impact majoritairement positif. En effet, l’ambiance informelle qui en résulte a su mettre les intervenants à l’aise. La mise en situation des visiteurs alimente le débat, et suscite des réactions. Un journaliste du réseau projection Bénin va même jusqu’à parler de « choquer », alors que le décor ne s’y prête pas, loin s’en faut. On se promènerait dans des cabanes d’enfants, l’impression serait la même. La situation dramatique et la misère de ces quartiers de grande souffrance n’est absolument pas mise en lumière ici. Aucune illustration ne permet de remettre en situation les maquettes et autres habitats reconstitués. Quelle prise de conscience ce décor suscite-t-il vraiment ?


Finalement, malgré des intervenants et des témoignages de qualité, les assistants étaient peu nombreux (manque de place ?) et d’origines peu diversifiées. Aucune traduction n’était proposée et les échanges, très courtois, sont restés très « bons-enfants ». Que ces discussion aient lieu est déjà une bonne chose, mais quel impact peuvent elles avoir si elles se limitent à un cadre aussi restreint? Un cadre plus institutionnalisé, en salle de conférence aurait-il permis une telle décontraction et une discussion aussi détendue autour de ces retours d’expériences ? Un public plus large aurait-il posé des questions aussi pertinentes ? Quoiqu’on en dise, et quelques soient les limites pratiques de cette conférence, elle fut très enrichissante et c’est bien dommage que de tels échanges ne soient pas voués à être diffusés.

Pauline, Mastère spécialisé PPSE, AgroParisTech-ENGREF

vendredi 16 mars 2012

L'eau en Corse, gestion concertée d'une ressource précieuse au service du territoire

Le 9 mars se sont tenus en Corse, deux manifestations dans le cadre des événements préparatoires au Forum. Organisée à l’initiative d’EDF, et en partenariat avec la Collectivité territoriale de Corse, l'Office environnemental de Corse, le CPIE de Corte, l'Office de l'équipement hydraulique de Corse et l'Agence, cette journée était axée sur « l’eau et les activités humaines » et  « l’eau comme source d’énergie ». Deux évènements se sont déroulés en parallèle : l’un sur le bassin versant du Golo (Haute Corse), l’autre sur celui du Prunelli (Corse du Sud). Au programme de l'événement en Haute-Corse :
  • Intervention du CPIE de Corte en classe de Francardo auprès des 18 élèves (8 à 10 ans), sur les thèmes cités plus haut, à l’aide de diaporamas très ludiques et d'un exercice pratique (grâce à une maquette du barrage de Calacuccia, les enfants ont pu  voir comment la force de l’eau peut faire tourner une turbine)
  • Visite de la centrale hydroélectrique de Castirla (dernière de la chaîne hydroélec su Golo) par EDF, précédée par une intervention d’EDF en salle (place des énergies renouvelables en Corse, part de l’hydroélectricité dans la production totale, présentation des différents ouvrages hydroélectriques d’EDF en Corse, et notamment chaîne du Golo : 3 centrales, et leur fonctionnement : comment transforme-t-on l’eau en électricité ? Comment est-elle acheminée jusqu’en dans les foyers ?)
  • Lors du déplacement vers le barrage Calacuccia, identification dans le paysage de la conduite forcée de Castirla, de la centrale de Corscia et de sa conduite forcée
  • Visite du barrage Calacuccia et intervention pédagogique (caractéristiques et fonctionnement barrage, débit réservé,…). 
La journée a été très riche et les enfants, au travers à la fois des différentes interventions pédagogiques, des exercices pratiques et des visites de terrain, ont pu appréhender la problématique de l’eau et des milieux aquatiques, avec zoom sur l’hydroélectricité.

Transmis le 15/03/2012 par Sylvie Orsonneau (Délégation régionale PACA & Corse)

Le Forum en images - 5

Une étrange sculpture d'eau attire le regard près de l'Espace France, mais aussi à la gare Saint-Charles...


L'heure des engagements est arrivée...


Feu d'artifice final du 6e forum, la séance des engagements prend la forme d'une pluie battante de promesses chiffrées et vibrantes, livrées en 2 min. Henri de Raincourt nous rappelle aux devoirx des actes en accord avec le droit a l'accès a l'eau et l'assainissement. La France donne 600M€ d'aide publique au développement dans le domaine de l'eau. L'Ouganda est convaincu que toute sa population boira de l'eau propre d'ici 2030. Marc Abadie promet 25M€ par an de soutien a la coopération décentralisée, a deux voix avec Global Water Partnership. International Water Association suivra les buts et rappellera les engagements. 2 lycéens de Marseille arrêteront les jets d'eau a l'école et réduiront la durée des douches. Ils sont 180 à signer. Butterfly effect se concentre sur le local et l'information, l'empowering, le respect des populations et des connaissances locales. Les financements innovants, la valorisation des services rendus par l'environnement se taillent la belle part des derniers engagements. J'y ai "vendu" les engagements des agences de l'eau et de l'Onema. EDF s'engage sur la mesure systématique de son empreinte eau.